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vendredi 7 octobre 2011

Popi, le petit ours nauséabond: un conte édifiant pour les bébés ours


Il était une fois, dans une contrée lointaine, un petit ours nommé Popi. Popi était très triste car il n'avait pas d'amis. Très jeune, il dut quitter ses parents et sa maison, car il sentait si fort que ses voisins s'étaient plaints à la ville. Quand il passait dans la rue, les gens se mettaient une main au visage, l’air contorsionné par un dégoût profond. Il était toujours seul, tout en étant jamais seul, les gens le fuyaient mais sentaient son approche à mille lieues; son odeur était insupportable. Ceci, par contre, avait fait en sorte que Popi avait toujours été un bon garçon, n’ayant jamais pu commettre quelque méfait que ce soit sans qu’on le sache. Une seule fois, il avait tenté de voler une pomme dans le jardin de M. Dar, mais celui-ci alla aussitôt voir ses parents et le malfrat fut durement châtier. Aussi, notre jeune héros était-il d’une moralité irréprochable, par la force des choses. Sous le poids des pressions populaires, le maire avait dû adopter une loi permettant d’exclure tous les ours qui dégageaient une odeur propre à perturber l’ordre public; lors d’une grande assemblée, on chassât Popi une fois pour toute et depuis ce temps, il va tête basse par les chemins. Son périple fut long et pénible, il se nourrissait d’herbes et de mets de fortune, il dépérissait tranquillement, il devenait maigre et faible. L’eau lui manquait sur la route, parfois il s’arrêtait aux chaumières qu’il rencontrait, mais les habitants lui donnaient souvent des coups de bâton et le chassaient avec dégoût. Un jour, il rencontra Louis la corneille, alors qu’il avait perdu conscience sur le bord d’une route déserte, complètement déshydraté. Louis la corneille lui pinça le nez de son grand bec et le sortit de sa torpeur. «Ah, petit ours, comme tu sens le diable! C’est écœurant!». Mais Louis persista à le tenir en éveil, prenant de l'altitude lorsque sa nausée le prenait trop fort. Il lui montra le chemin jusqu'au ruisseau, tourbillonnant au dessus de sa tête en lui donnant des directives. Quand Popi parvint au ruisseau, il but l'équivalent de trois tonneaux d'eau douce et s'endormit à côté d’un gros rocher. Louis la corneille le réveilla le lendemain, complètement vert, ayant vomi son saoul pendant que Popi dormait. S'étant éloigné durant son sommeil, il avait pu récupérer et venait tenir compagnie à son nouvel ami. Il le priait de l’aider à son tour et lui demanda de se rendre dans la caverne, derrière le rocher, où il y avait quelques fruits qu'il pu manger afin d'étancher sa faim. Popi, qui n'avait jamais eu d'amis, faillit en pleurer d’émoi et s’empressa de se rendre à l'endroit désigné. Dans la caverne il trouva une myriade de corbeilles remplies à craquer de baies et de fruits de toutes sortes. Il prit donc les corbeilles une à une et les disposa selon les directives de Louis, au bord du ruisseau. Lorsqu’il eut terminé, la nuit tombait déjà et Louis la corneille, qui tentait de se défaire d’un noyau inopportun qui s’était logé entre ses molaires, lui tint à peu près ce langage : « laisse moi appeler et te présenter mes amis qui seront sûrement heureux de se joindre à notre festin». Popi était tout heureux et frétillait sur place à la perspective de cette nouvelle société qui saurait l’aimer comme il était. Louis la Corneille prit son envol avec lourdeur et disparu brièvement, avant de revenir avec une horde croassante de corneilles; mais dès que les amis de Louis furent à portée de l’odeur pestilentielle que dégageait Popi, ils se mirent à battre des ailes frénétiquement, et Popi voyait des plumes tomber tristement à ses pieds. Mais Louis la corneille, grâce à quelques mots, au bout d’un moment, fit revenir la bande vers le petit ourson prostré d’amertume. Des salutations fusaient de toutes parts et les corneilles plongeaient dans les corbeilles gloutonnement, répandant le contenu, tant elles semblaient affamées. Lorsque le festin prit fin, Louis délibéra avec ses compagnons qui s’apprêtaient à s’envoler de nouveau loin de Popi, qui les regardait, suppliant. Louis revint avec ses amis et dit à notre héros, dont le cœur chaud était ému, une fois de plus, de cette compagnie: «Vois donc s'il ne reste pas quelques victuailles dans la caverne car mes amis et moi avons encore un creux dans l'estomac, après nous te montrerons quelque jeu». Alors tous les compagnons de Louis se posèrent, sautillant d’entrain sur leurs petites pattes. Popi, tout excité, se rendit sans plus attendre dans la caverne, les regards approbateurs l'ayant empli de félicité. Quel ne fut pas sa surprise quand il rencontra, à l’entrée de la caverne, un grand sanglier rugissant qui, sans attendre, constatant le méfait qui avait eu lieu antérieurement, le battit comme blé vert. Soudain, la troupe des corneilles éclata d’un rire strident et s’envola dans la confusion, tout en narguant le naïf petit ours qui croyait qu’il pouvait ainsi se faire des amis. Lorsqu’il reprit conscience, Popi pleura tout le jour et chemina péniblement le long du ruisseau qu’il ne voulait plus quitter. Tenant ses reins douloureux et ses côtes, c’est péniblement qu’il avançait, souvent il s’arrêtait, seul, au bord d'un ruisseau, et pleurait, provoquant instantanément le saut de tous les crapauds qui le fuyaient. Les corneilles revinrent et le suivirent; elles venaient croasser au-dessus de lui, en se moquant de son arrière train nauséabond, ce qui contraignait Popi à partir, toujours plus loin, suivant le rivage, pour échapper aux remarques désobligeantes des oiseaux; tous les êtres s’enfuyaient à son approche, blessant profondément Popi à chaque fois. Les corneilles revenaient et voltigeaient autour de lui, ne s'arrêtant qu'à de rares occasions, quand il croisait un arbre à fruits, afin d’y picorer quelques grains. Durant plusieurs années il en fut ainsi, au moins une fois par jour, Popi s’arrêtait, complètement briser par les sarcasmes de sa suite et allait au bord du ruisseau sangloter. Quand l'onde redevenait lisse et que la brusque fuite des habitants de la rive disparaissait de la surface, le ruisseau devenait clair comme un miroir, renvoyant à Popi une image familière, la sienne, que parfois, comme par magie, une brise venait caresser et réconforter dans le mouvement doux et onduleux qu’elle provoquait sur la surface. Et Popi reprenait son chemin, après s’être ainsi consolidé en lui-même, bien décidé, chaque fois, à ne plus se laisser atteindre par les moqueries des corneilles. Parfois, il devenait si exaspéré, qu’il levait les yeux au ciel et criait de toutes ses forces sa haine; il sautait, tentant de saisir au vol les amis de Louis qui, à dessein de le narguer et de le réduire à l’impuissance, s’amusaient à lui donner espoir en volant plus bas afin de l’épuiser; un jour, Popi se blessa en trébuchant sur une pierre, En faisant ce manège désespéré. Il se fracassa la tête de telle manière que l’abondance du sang qui s’échappait de sa blessure fit en sorte que Louis la Corneille et sa bande le laissèrent pour mort. Après trois jours et trois nuits, Popi s’éveilla de lui-même et, difficilement, se rendit au ruisseau afin de nettoyer sa tête. Comme d’habitude, un mouvement brusque et instantané agitait la surface, avant de s'éteindre, en laissant le ruisseau lisse. De petits nuages rouges se répandaient dans l'eau, au fur et à mesure que Popi se nettoyait. Quand il eut terminé, il demeura pensivement la tête au-dessus du ruisseau, où coulait désormais son propre sang. Il contemplait son image qui lui fit imperceptiblement, presque, un sourire grimaçant. Popi regarda attentivement, son reflet se détournait. Popi osa une parole; le ruisseau parla. «Je suis l’image magique que tout ce temps tu pus seul aimer et je t’offre maintenant de réaliser un vœu de ton choix». Popi examina les alentours pour voir s’il ne s’agissait pas d’un canular, mais il ne trouva rien; aussi répondit-il à l’image : «je voudrais être comme les autres». L'image répondit : «ton vœu sera exaucé quand tombera le jour». Popi en fut si ému qu’il tenta sottement d’embrasser la surface en pleurant de joie. Le jour tomba, Popi s’imaginait qu’il allait perdre cette odeur qui fut comme une malédiction, mais, plutôt, son cœur s’emplit d’une haine solaire qu’il n’avait jamais ressentie. Fou de rage, il leva les yeux au ciel en hurlant sa peine sans bornes et, furibond, il se mit à courir comme un fou loin du ruisseau. Popi n’était plus un ourson et choisit une vie de vagabondage. La nuit, il se promenait près dans agglomérations urbaines afin d’y ventiler avec un flegme terrifiant les gaz fétides et nocifs dont ce qu’on lui avait reproché n’était que l’infime évocation. Les femmes enceintes perdaient leur bébé et une aura verdâtre enserrait les villes où l’on ne trouvait plus qu’horreur et désolation. Notre héros avait bien changé, il s’était endurci, et c’est sans scrupule, aucun, et avec une nonchalance machiavélique, sans doute, qu’il pétait dans les prés verdoyants, tout en constatant sans frémir la vie qui s’éteignait au contact de ses poisons délétères.

2 commentaires:

  1. comment veux tu que je raconte ça à mes petits enfants! ce Popi revanchard te ressemble-t-il? Cette haine solaire et gazière me déplaît tout à fait, cher François :-)oui je sais Popi s'en moque ; nonchalamment machiavélique , il regarde les corneilles qui l'ont trompé ignomineusemment et les bouffera un jour ou l'autre...

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